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Statue de l'empereur Quang TrungStatue de l'empereur Quang Trung

Bref survol historique

Reconnue depuis des siècles comme étant le berceau du théâtre classique de cour royale (hát tuồng), la province de Bình Định est encore plus réputée pour être la terre d'origine d'arts martiaux vietnamiens légendaires...

Entourée par les provinces de Quảng Ngãi au nord, de Phú Yên au sud et de Gia Lai à l'ouest ainsi que de l'océan Pacifique à l'est, la province de Bình Định s'étale sur plus de 6000 kmau cœur même de la côte centrale du sud du Vietnam, en plein territoire de l'ancien royaume du Champa.

C'est en 1471 que les premiers colons vietnamiens viennent s'établir sur cette terre récemment annexée au royaume du Đại Việt. Fraîchement conquise sur les Chams, la province de Bình Định était soumise aux incessantes incursions de ces derniers qui tentaient énergiquement de récupérer leurs terres ancestrales. À ce péril terrestre s'ajoutait aussi une menace venue de la mer. En effet, les Vietnamiens durent également affronter les pirates chinois, japonais ou malais qui ravagèrent régulièrement la côte avec leurs raids meurtriers. Si les colons nouvellement installés avaient apporté avec eux les techniques martiales de leur pays d’origine, ils durent aussi les adapter et même en créer d'autres afin de pouvoir faire face efficacement à leurs redoutables adversaires.

C'est ainsi qu'au fil du temps, un nouvel art martial forgé sur les champs de bataille prit peu à peu forme et se fera appeler « Võ Bình Định » par tout le pays. Mais ce n'est qu'avec le règne de Nguyễn Huệ (1753-1792) que le Võ Bình Định allait véritablement connaître son apogée...

Nguyễn Huệ, encore enfant, reçut à la fois l'enseignement classique et littéraire de l'époque sous la houlette d'un professeur réputé, Trương Văn Hiến, mais il fut aussi initié à la pratique des « Võ Cổ Truyền » (arts martiaux traditionnels) par un maître non moins célèbre du nom de Ðinh Văn Nhưng. Avec ses deux frères Nguyễn Nhạc et Nguyễn Lữ, il s'illustra lors de la guerre qui déchirait alors le Vietnam et qui opposait les familles seigneuriales Trịnh et Nguyễn depuis déjà deux siècles. En fin stratège et en combattant averti, Nguyễn Huệ dirigea d'une main experte la fameuse révolte des Tây Sơn et marqua la fin de ce conflit en exterminant les Trịnh, en écrasant les troupes du royaume de Siam (actuelle Thaïlande) alliées aux seigneurs Nguyễn et en annihilant l'armée chinoise venue envahir le pays. Grâce à ses victoires retentissantes, il accéda au trône et prit le nom impérial de Quang Trung.

Riche de son expérience de combattant, ayant eu l'opportunité d'éprouver l'efficacité des méthodes de combat qu'il avait étudiées, Quang Trung restructura complètement le Bình Định et propagea l'enseignement de cet art. Grâce à son oeuvre immortelle, les mots ­Bình Định résonnent encore aujourd'hui pour les Vietnamiens comme les mots Shaolin ou Wudang pour les Chinois.

Après la mort de Quang Trung et la chute de sa dynastie, plusieurs officiers et généraux rentrèrent chez eux et certains ouvrirent des écoles martiales pour survivre (Võ An Thái, Võ An Vinh, Tây Sơn Nhạn, Thanh Long Võ Đạo, Tây Sơn Bạch Long, Võ Trận Bình Định, Võ Quang Trung, Bà Trà Tân Khánh, etc.) Toutes ces écoles possèdent un tronc commun constitué de plusieurs bài quyền (enchaînements codifiés) semblables: Thần đồng, Thiền Sư, Long Hổ Hội, Yến Phi, Ngọc trản, Lão mai, Hùng Kê, Thái Sơn Côn, Bát Quái Côn, Độc Lư Thương, Siêu Xung Thiên, etc. C'était évidemment les bài quyền obligatoires enseignés dans l'armée et les académies militaires. À cette base commune, chaque maître a ajouté ses techniques et bài quyền spécifiques.

De nos jours, ces écoles existent toujours et sont regroupée en deux branches principales:

 -les écoles qui se disent d'origine royale et qui prétendent descendre de l'empereur Quang Trung lui-même...

 -les écoles plus modestes fondées par un officier Tây Sơn

 

Aspect technique

Au cours de ses 3000 ans d’histoire, le peuple vietnamien n’a eu à combattre qu’un seul ennemi majeur : son voisin chinois. De l’antiquité jusqu’à l’époque contemporaine, ces deux États furent en conflit mutuel de façon quasi permanente. Face à la puissance et au nombre des envahisseurs, les Vietnamiens n’eurent d’autre choix que de développer des stratégies martiales et militaires adaptées à cette réalité. La pratique des arts martiaux vietnamiens quels qu’ils soient repose donc sur 5 grands principes de base :

 

        1. Dĩ đoản thắng trường (lấy ngắn chống dài) : Battre le long avec le court, c'est-à dire favoriser le combat rapproché.

        2. Dĩ nhu chế cương (lấy yếu chống mạnh) : Utiliser la souplesse contre la force.

        3. Kỷ tập chiến pháp (sự đánh úp; cuộc đột kích) : Favoriser les attaques surprises.

        4. Ảo ảnh bí pháp (mưu mẹo lừa địch) : Utiliser la ruse pour tromper l’ennemi.

        5. Phản gựt pháp (tránh né): Favoriser les esquives sans résistance.

 

Comme l’armée vietnamienne doit depuis très longtemps opposer un petit nombre à un plus grand nombre, il était nécessaire de développer des arts martiaux qui s’adaptent à tous et à toutes, au plus fort comme au plus faible. En effet, étant donné l’écart de population entre la Chine et le Vietnam, tous les individus devaient participer à l’effort de guerre : jeunes et vieux, enfants et adultes, hommes et femmes. Vue la proportion de femmes, de jeunes et de vieillards dans l’armée vietnamienne, l’emphase est mise sur la souplesse, la surprise, la ruse et l’esquive. Ensuite, la stratégie militaire chinoise s’appuyait surtout sur le combat à distance. Lors d’une bataille, leurs premières unités à entrer en action étaient les archers, les arbalétriers et l’artillerie (fusées, bombardes, catapultes, trébuchets, balistes, etc.). Pour contrer la puissance de feu des Chinois, le combat rapproché était donc essentiel.

Le Võ Bình Định, quant à lui, ne prône pas particulièrement l'affrontement à courte portée, car toutes les distances sont travaillées sauf le combat au sol. Sa devise est d'ailleurs « Xa đánh dài, gần rút ngắn », c'est à dire « Quand on est loin, on utilise les techniques de longue portée. Quand on est proche, on utilise les techniques rapprochées ».  Le combat à mains nues du Võ Bình Định repose sur le principe de prise de contrôle sur l’adversaire en partant d’une longue portée pour se rapprocher peu à peu.  À longue distance, les coups de pied sont utilisés. Lorsque la cible se situe à une longueur de bras, on passe aux techniques de poing, de tranchant, de paume ou de doigt. Plus près, on enchaîne avec les coudes et les genoux. Au corps à corps, les saisies, les clés, les fauchages et les projections sont alors employés.

La pratique des armes complète ensuite le travail à mains nues et provient de deux origines:

        -Militaire: épée, lance, sabre, hallebarde, etc.

        -Paysanne: bâton long, moyen ou court, bâton à 2 ou 3 sections, fourche, râteau...

L’essence du Võ Bình Định est résumée dans un dicton de huit mots : « Đợi chờ, dính chặt, đổi hướng, đuổi theo » (Attendre, adhérer, dévier et poursuivre). Lorsque l’adversaire ne bouge pas, on ne bouge pas. S’il bouge, on adhère à son attaque en la bloquant et la déviant. Une fois qu’on a détourné la ligne de force de son offensive, on contre-attaque en le poursuivant. L’idée primordiale à retenir est d’attendre l’attaque, de se coller à elle et de la dévier afin d’ouvrir une faille. Il s’agit ensuite de s’y engouffrer en attaquant sans arrêt, en mettant de la pression comme un rouleau compresseur jusqu’à la neutralisation complète de l’adversaire.

L'une des particularités du Võ Bình Định est que chacun de ses enchaînements codifiés est toujours accompagné par un poème, le « bài thiệu ». Ce texte versifié décrit de façon très imagée et symbolique les techniques contenues dans l'enchaînement et indique l'ordre de leur exécution.

 

Aspect philosophique

Le pratiquant de Võ Bình Định doit non seulement perfectionner son corps à travers l'acquisition de techniques martiales, mais il doit également sublimer son esprit, car le talent exige la vertu. Par conséquent, celui qui s'engage sur le long chemin des arts martiaux doit d'abord chercher à cultiver les cinq vertus fondamentales:

        1. Nhân: la bonté humaine, la fraternité et l'humanité

        2. Nghĩa: la droiture, la justice, le sacrifice, le dévouement et l'honneur

        3. Lễ: La politesse, la courtoisie, la modestie et le respect

        4. Trí: L'intelligence et la sagesse

        5. Tín: L'honnêteté, la fidélité et la confiance

Les valeurs morales constituent un garde-fou qui préserve le pratiquant de faire le mal ou d'utiliser ses connaissances martiales à mauvais escient.

 

Système de grade

Originellement, il n'existait pas de grades extériorisés au sein des écoles martiales vietnamiennes pour indiquer le niveau d'un pratiquant. La hiérarchie basée sur l'ancienneté et l'âge se révélait plutôt par leur placement individuel dans le lieu d'entraînement et par la façon dont les pratiquants s'adressaient entre eux. La progression dans la pratique était quant à elle définie par des cycles d'une douzaine d'années qui fixaient le degré du savoir et de la compétence:

        -Sơ đẳng: niveau élémentaire

        -Trung đẳng: niveau intermédiaire

        -Thượng đẳng: niveau supérieur

 

Aujourd'hui, la plupart des écoles de Võ Bình Định ont adopté un système de grade extériorisé par le port de la ceinture et comportant généralement 18 niveaux répartis entre cinq couleurs: noire, verte, rouge, jaune et blanche. Le débutant, au tout début de son apprentissage, se situe encore dans l'obscurité, c'est pourquoi il porte une ceinture noire. À la fin de son cheminement martial, lorsqu'il aura atteint la clarté, il pourra alors nouer une ceinture blanche, celle du maître, à sa taille.